France Culture - Une fois pour toutes. (27.81 Mo)
L'entretien est podcasté sur le blog ci-dessus.
Verbatim Express
Sur l'affaire Leonarda
Verbatim Express
Sur l'affaire Leonarda
- Il faut bien mesurer ce que cela signifierait si Leonarda revenait en France : il faudrait que sa famille revienne aussi, parce que c'est une mineure, elle a quinze ans. Cela voudrait dire que quiconque a un enfant scolarisé en France, peut y faire venir toute sa famille, peut y venir lui-même. C'est la porte toute grande ouverte à une immigration sans-contrôle.
- Je ne connais pas de pays qui n'ait pas un droit régissant l'établissement sur son sol. Tout pays a le droit de déterminer qui peut séjourner sur son sol et qui ne le peut pas durablement.
- Je pense que les Français sont très attentifs à la décision que le gouvernement va prendre. Moi je n'oublie pas que les classes populaires dans notre pays souffrent. Elles demandent à être protégées contre le chômage, contre la pauvreté, la misère, mais aussi contre la délinquance et contre une immigration qui, qu'on le veuille ou non, pèse sur le marché du travail. Car si l'immigration est libre, naturellement, on le voit bien dans le secteur des services, dans l'agro-alimentaire breton, tout cela a des conséquences : si on peut employer des gens en les payant pas très chers, tous les acquis sociaux sont évidemment menacés.
- Si Léonarda revenait en classe, ce serait plus qu'une erreur : ce serait un manquement à la loi. Ce que je propose c'est une application humaine de la loi. Il y a des écoles françaises au Kosovo. On peut très bien ouvrir la possibilité à cette jeune adolescente d'y poursuivre ses cours. Mais on est pas obligé d'accueillir en France quiconque le demanderait, surtout sur la base d'arguments mensongers.
- La première des valeurs républicaines, c'est le respect de la loi. La loi peut-être précisée pour qu'on ne fasse pas d'interpellation dans l'enceinte de l'école – pourquoi pas ? Mais l'école définie comme un sanctuaire par Alain, l'était dans une optique tout à fait différente. On voulait séparer l'école du monde extérieur, car l'école est un lieu d'apprentissage. Là on dit n'importe quoi. La police doit pouvoir bien évidemment intervenir à l'intérieur d'une école si une enseignante est agressée, par exemple. Donc ne parlons pas de la sanctuarisation de l'école en ce sens.
- Je ne veux pas ethniciser la question des Roms. Si telle ou telle personne peut s'intégrer, je suis pour. Je rappelle que j'avais régularisé la situation de 80 000 personnes sur des critères d'intégration en tant que ministre de l'Intérieur. Naturellement comme il y a eu 140 000 demandes, il y a eu 60 000 refus.
- Je pense que le premier devoir d'un président de la République est un devoir de pédagogie à l'égard de la jeunesse et lui expliquer le sens de la loi, pourquoi elle existe, comment on peut l'appliquer plus humainement, si cela est possible. Mais la jeunesse est fragile, elle a aussi besoin qu'on applique la loi. Rappelez-vous Lacordaire : « c'est la loi qui protège et c'est la liberté qui opprime ».
Sur la phrase de Cecile Duflot : « Un ministre ça agit, ça ouvre sa gueule et ça démissionne pas »
- C'est évidemment loin de ce que j'avais dit moi-même. C'est la théorisation de l'incohérence gouvernementale. C'est un très mauvais service rendu au gouvernement auquel appartient Cécile Duflot, que je trouve sympathique par ailleurs à titre personnel.
- Avant qu'une décision soit prise, naturellement un ministre doit d'exprimer. Il doit le faire avec une certaine modération en pensant que la décision va intervenir. Mais je pense que un ministre doit manifester sa solidarité. Si ça veut l'ouvrir, ça démissionne. Moi je l'ai fait trois sur des choses très importantes : le choix du Franc fort dont nous payons encore le prix par la désindustrialisation de la France, la guerre du Golfe dont on voit les conséquences encore aujourd'hui, et puis sur la Corse, la loi, la République, et bien c'est toujours un enjeu !
- Il faudrait que les socialistes apprennent quelque chose de l'histoire.
En 2014 les cent ans de la commémoration du déclenchement de la 1ère GM
- L'histoire a toujours été instrumentalisée par le politiquement correct. On va a travers la commémoration de la guerre de 1914 continuer à discréditer les nations parce que cela correspond à une exigence d'aujourd'hui. Beaucoup de gens ont pensé l'Europe, et c'était un reflexe tout à fait légitime, mais ils l'ont pensé contre les nations, par substitution aux nations.
- « Plus jamais ça », naturellement. Mais comment éviter le renouvellement d'une pareille guerre ? Très rapidement on a vu la contestation du traité de Versailles puis l'arrivée d'Hitler au pouvoir. Nous voulions déjà à l'époque que ce soit « la der des der », ça ne l'a pas été. Et en 1940 la France s'est effondrée notamment parce qu'elle était minée par un pacifisme généralisé.
- L'un des 14 points de Wilson pour la paix en 14 était fondateur : le respect des peuples, l'autonomie des peuples. Naturellement le traité de Versailles a donné sens a des pays comme la Pologne, la Roumanie, la Tchécoslovaquie. Cette carte de l'Europe c'est l'héritage du principe révolutionnaire français du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
- La responsabilité immédiate de la guerre de 1914 c'est un fait que les élites allemandes et austro-hongroises, notamment militaires en prennent la responsabilité.
- En arrière plan, je compare les deux mondialisations, la mondialisation britannique et la mondialisation américaine. Pour la première qui s'étale du XIXe siècle jusqu'en 1914, il y a une modification de la hiérarchie des puissances, l'Allemagne impériale monte impétueusement, l'Empire britannique se sent menacé, se rapproche de la France et de l'Angleterre, dont il y a des causes générales. C'est la théorie de la puissance hégémonique, de l'hegemon, qui explique la guerre de 1914-1918.
- Je critique le traité de Versailles de ne pas avoir distingué la responsabilité politique des dirigeants allemands qu'ils ont pris au nom de l'Allemagne, et la responsabilité morale qui n'incombe pas au peuple allemand qui ne voulait pas la guerre pas plus que les autres. Les nations européennes ne voulaient pas la guerre, elles étaient pour la paix. C'est une décision prise par un petit noyau de dirigeants.
L'Europe, l'Euro, l'Allemagne
- L'idée d'une Europe fédérale était naturelle aux Allemands, qui avaient vécu dans une structure qui n'était pas à proprement parler fédérale, mais qui agglomérait différents états, en Allemagne on parle du régime des petits états – 360 avant 1789, encore une trentaine après 1815. Ce mécanisme qui consisterait à landeriser la France ne convient pas à notre pays, nous sommes un pays différent.
- Madame Merkel peut se montrer conciliante car c'est l'intérêt de l'Allemagne. Le système de la monnaie unique repose sur une erreur de conception. La monnaie unique juxtapose des pays de niveaux économiques très différents, et par conséquent c'est un tonneau des Danaïdes. La monnaie unique n'est pas viable à terme, donc l'Allemagne ne voudra pas payer. Certains pays feraient mieux de dévaluer leurs monnaies plutôt que de s'astreindre à des dévaluations internes dont on voit le résultat.
- Je propose de transformer l'Euro en monnaie commune, ce qui permettrait d'agglomérer la Grande-Bretagne et la Russie.
- Dans un monde dominée par la Chine et les Etats-Unis, cela permettrait aux peuples européens de réaliser une grande Confédération du Maghreb jusqu'à la Russie, parce que je pense que c'est la bonne échelle pour exister dans le monde de demain. Cela nous permettrait d'avoir avec l'Allemagne un rapport de coopération réellement fécond.
- Je propose de construire cette Europe sur la base d'une relation franco-allemande beaucoup plus approfondie qu'elle ne l'ait aujourd'hui. Je pense qu'il y a beaucoup à faire pour construire une Europe qui tienne la route, et les Français le savent aussi. Ils l'ont montré, ils l'ont dit à travers le référendum de 2005, ils le pensent aujourd'hui. Alors écoutons-les davantage.
La gauche de demain
- Manuel Valls et Arnaud Montebourg, tous les deux mais chacun a leur manière, incarnent la gauche de demain. Arnaud Montebourg mène un combat pour le Made in France, c'est à dire pour la réindustrialisation du pays, je crois que ce combat est absolument fondamental.
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