Verbatim :
A propos de la première année de présidence de François Hollande
A propos de la première année de présidence de François Hollande
- Un point positif, c'est incontestablement l'adoption du rapport Gallois et le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi. Je pense que le vrai problème c'est le développement de notre base productive qui conditionne absolument tout le reste.
- Quand on vous dit l'ennemi numéro un, c'est la dette, c'est idiot, c'est le doigt qui montre la lune et c'est l'imbécile qui regarde le doigt.
- Le fond de l'affaire, c'est la stagnation voire la récession qui creuse les déficits : moins values fiscales, déficits, dette.
- Et le fond de l'affaire, c'est la réindustrialisation, le redéveloppement de l'économie française.
- Le point le plus négatif, c'est l'absence je ne dis pas de communication - car je n'ai pas de considération pour la communication, c'est l'absence de pédagogie continue.
- Je ne dis pas que l'action est bonne. J'ai dit que l'axe, l'orientation générale est juste. Le problème c'est de savoir comment la France qui avait en 2011 un déficit commercial de 73 milliards d'euros - alors que l'Allemagne avait un excédent de 168 milliards - va remonter la pente.
- On voit bien l'axe de l'effort. Les mesures prises en vertu du rapport Gallois : le crédit d'impôt aux entreprises, mais aussi la politique d'innovation, de recherche, de formation, la canalisation de l'épargne vers l'industrie, la Banque publique d'investissement : est-ce que tout cela va suffire ?
- Ce qui se passe est la vérification de ce que j'avais prédit et par conséquent je suis à même d'exercer ma pédagogie à l'intérieur de la majorité, auprès de François Hollande autant que je le peux.
- Sur un certain nombre de points, j'ai pu constater qu'il m'écoutait - un peu. Personne ne peut prétendre à être écouté en tous domaines. J'ajoute que j'ai déclaré qu'il fallait donner du temps à François Hollande parce qu'il doit affronter la dimension de l'Etat, c'est-à-dire la cohésion à long terme, de la cohérence des choix et du rassemblement, qui ne va pas sans la cohésion sociale.
- Ce grand virage libéral a été effectué. J'ai été contre, non seulement la monnaie unique, mais aussi certaines orientations comme la libération des mouvements de capitaux, qui a été un mouvement tournant, qui a complètement déplacé le centre de gravité de notre politique. Je n'ai pas démissionné parce que je venais de rentrer au gouvernement : on ne peut pas démissionner tous les jours! C'était en application de l'Acte unique. Je suis intervenu en Conseil des ministres pour mettre en garde le gouvernement, mais les arbitrages étaient rendus.
- Je n'ai en rien renoncé à ma liberté de penser. J'ai voté contre le traité budgétaire européen, je vous le signale.
- On oublie qu'un certain nombre de choix que j'ai combattus ont été faits. Je dis souvent que la monnaie unique, c'est un avion dont j'étais tout à fait contre le fait qu'il décolle, mais il a décollé.
- Je suis un réaliste. Je suis un homme d'Etat sérieux, solide, et je considère qu'on ne peut pas sauter par le hublot ou si vous préférez par la porte arrière, mais sans parachute. Je pense qu'il faut reprendre les commandes de l'avion et le faire atterrir. S'agissant de l'euro, il y a deux solutions: ou bien la Banque centrale européenne joue pleinement son rôle de banque centrale, ce qu'elle ne fait pas et le gouvernement économique de la zone euro est capable de produire une relance européenne. La BCE est indépendante mais elle comprend ce qu'il se passe, et je pense que le président de la BCE n'a pas envie de voir se multiplier les faillites bancaires, par exemple, ou les faillites d'entreprises à partir d'un certain seuil. Il y a mille manières de faire comprendre les nécessités.
- J'observe que même M. Barroso, qui n'est pas un gauchiste - très jeune il a certes été maoiste, ce qui n'est pas un bon point, ce sont souvent devenus les meilleurs serviteurs du marché - dit qu'il serait peut-être temps d'étaler le calendrier de réduction des déficits.
- Il faut avoir le courage de parler à Mme Merkel en suivant ses conseils. Elle a dit que désormais la politique européenne c'est un peu comme la politique intérieure. Elle avait pris position dans l'élection présidentielle en faveur de M. Sarkozy. Bref, elle s'est immiscée dans le débat politique.
- François Hollande a parlé de "tensions amicales" avec l'Allemagne. J'aimerai qu'il formule cela d'une manière plus claire, et avant les élections allemandes qui se déroulent en 2013. Ou bien on change les règles de la zone euro et cela dépend des Allemands. Ou bien alors on transforme l'euro de monnaie unique en monnaie commune. On le garderait pour les échanges internationaux et on ressuscite un SME-bis.
- Je pense qu'il faut aussi comprendre et respecter qui est François Hollande. Il ne fait pas partie de la même génération que moi. Nous n'avons pas partagé les mêmes points de vue. Il a accommodé le PS à la sauce libérale dans une enveloppe démocrate chrétienne : l'Acte unique et la monnaie unique qui est une erreur, un contre-sens majeur car elle a mis ensemble des économies hétérogènes.
- Quand j'ai apporté mon soutien à François Hollande "les yeux ouverts", j'ai dit que je n'entendais pas revenir au gouvernement. Il y a des gens jeunes ! Clémenceau est revenu aux affaires à 77 ans, j'ai donc encore une marge, mais pour un gouvernement de salut public si vous voulez.
- François Hollande est le chef de l'Etat. Il a été élu pour 5 ans. Pour le moment, il ne me l'a pas proposé et la politique que je propose c'est une politique de salut public, qui donne un choix à l'Allemagne, parce que je pense qu'il faut discuter avec les Allemands. Je pense qu'il faut aller plus loin dans la conception de ce que peut être l'Europe de demain.
Sur le "mariage pour tous":
- Je ne me suis pas abstenu. J'ai annoncé dans un entretien au Monde en décembre que je ne voterai pas ce projet de loi, parce qu'il brouillait en effet la filiation. Je pense qu'un enfant doit avoir sinon un père et une mère, mais l'idée d'un père et l'idée d'une mère.
- S'agissant des droits des homosexuels, j'ai été à l'origine du PACS, en déposant un projet de loi dès 1992 pour une union civile avec Jean-Pierre Michel et Georges Sarre.
- J'ai refusé de participer au vote car je ne veux pas être instrumenté par des groupes homophobes ou par des chefs de parti qui donnent des consignes de vote.
- Dans mon parti, le MRC, c'est la liberté de conscience qui a prévalu.
- J'ai beaucoup de sympathie pour Jean-Marc Ayrault. Il agit dans le cadre des institutions. Il n'appartient pas au Premier ministre de fixer les orientations stratégiques. Il fait ce qu'il peut dans les limites étroites qui sont les siennes.
A la question "ce ne serait pas mieux Jean-Pierre Chevènement à Matignon?" :
- Je ferais certainement une autre politique, mais je n'accepterais pas de venir à Matignon pour continuer dans cette orientation, car même si elle va dans le bon sens, elle est quand même insuffisante.
- Vous posez le problème de François Hollande. Effectivement, il vient d'un autre horizon que le mien. Il était deloriste. Mais il est maintenant en face des problèmes et il voit bien ce que vaut ce discours. Et ce discours ne vaut pas grand chose. François Hollande est intelligent. Personne ne peut le suspecter de ne pas être un patriote. Je pense que quelque chose chemine dans sa tête. J'essaye moi-même de l'y aider au maximum. Maintenant, je ne suis pas au gouvernement. Il faut lui donner du temps, mais il n'a pas tout le temps, car la France non plus n'a pas tout le temps!